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Carnevale italiano : origines, traditions et secrets méconnus
Par Rosamia
Chaque année, mi-février, l’Italie se transforme en un immense théâtre à ciel ouvert. Place aux masques, aux confettis et à cette légèreté joyeuse qui fait danser les places, les ruelles et même les esprits. Mais derrière les paillettes et les costumes somptueux, le Carnaval cache une histoire fascinante, entre rites ancestraux, satire sociale et savoir-faire artisanal. Curieuse de nature (et un brin obsessionnelle dès qu’il s’agit de mon Italie), j’ai voulu comprendre ce qui se joue vraiment derrière cette grande mascarade. Spoiler : c’est bien plus qu’une fête pour enfants déguisés en pirates et princesses.
Des pharaons aux doges, un voyage millénaire
Si l’on remonte le fil du temps, on découvre que le Carnaval n’est pas une lubie médiévale née d’un excès de Chianti. Ses racines plongent bien plus profondément, jusqu’à l’Égypte ancienne, où l’on célébrait Isis dans des processions festives où les déguisements jouaient déjà un rôle clé. Puis viennent les Saturnales romaines, ces festivités où l’ordre social était joyeusement renversé : les esclaves devenaient maîtres, les puissants endossaient les oripeaux des bouffons et, pour quelques jours, la vie était un immense théâtre de l’absurde. Un joyeux chaos qui avait un but : réconcilier l’homme avec la nature, marquer la fin de l’hiver et appeler le printemps.
La Renaissance marque également une période de faste pour les célébrations du Carnaval.Dans certaines villes, comme la Florence des Médicis, les cours royales organisaient de somptueuses festivités avec des chars allégoriques.
Carnaval, mode d’emploi liturgico-ludique
L’Église, forcément, a grincé des dents face à ce désordre. Mais plutôt que de l’interdire (et éviter toutes formes de rébellion), elle a modifié ce rite païen en tradition en l’intégrant au calendrier chrétien.
Ainsi, le Carnaval se place juste avant les 40 jours précédant Pâques. C’est le Carême, période de jeûne et de prière, qui débute le Mercredi des Cendres et s’achève à Pâques. Le Carnaval incarne donc le dernier souffle de liberté débridée et de gourmandise avant cette parenthèse spirituelle plus austère.
Pourquoi le nom « Carnevale » ?
Il existe plusieurs versions expliquant l’origine du mot « Carnaval » : certains pensent qu’il vient de car navalis, le rite du navire sacré porté en procession sur un char ; d’autres estiment qu’il signifie carnes levare (« ôter la viande ») ou carnes vale (« au revoir la viande »), une manière élégante de saluer pour quelques temps les festins avant de se contenter de mets plus modestes imposés par le Carême.
Pourquoi se déguiser ? Pour inverser les rôles, bien sûr !
Derrière chaque masque, il y a une histoire. Se cacher pour mieux se révéler. Pendant quelques jours, on devient ce que l’on n’est pas :
- Les pauvres se déguisent en rois
- Les femmes en hommes
- Les puissants en clowns
Le costume libère, permet de se moquer, de critiquer sans risquer la potence. Au Moyen Âge, le Carnaval était une parenthèse où le village entier devenait une scène de théâtre. Un formidable exutoire social où l’on inversait les rôles pour mieux supporter le retour à la normale.
Venise, la diva du Carnaval
Impossible de parler de Carnaval sans faire un détour par Venise. Les Vénitiens, habiles commerçants et administrateurs, notaient absolument tout ! Et c’est justement grâce à ces premiers « Vénitiens graphomanes » que nous pouvons affirmer avec certitude qu’en 1094, le Carnaval était déjà bien vivant à Venise. On retrouve trace de festivités carnavalesques dans la Sérénissime, avec un objectif politique à peine voilé : offrir au peuple une soupape pour éviter révoltes et débordements. En 1296, le Carnaval devient officiellement une fête publique, institutionnalisant ce temps de démesure où la cité toute entière se déguisait.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que ce Carnaval historique avait pratiquement disparu après la chute de la République de Venise. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que les institutions locales – la mairie, la Biennale, La Fenice – décident de ressusciter cette fête spectaculaire pour promouvoir le patrimoine vénitien. Un joli coup double, entre dynamisation culturelle et atout touristique, pour notre plus grand plaisir !
Le masque, objet d’art et de subversion
Les masques vénitiens, ce ne sont pas de simples accessoires. Ce sont de véritables œuvres d’art, façonnées à la main dans des ateliers où le savoir-faire se transmet de génération en génération.
Aussi, le masque était très répandu à Venise en dehors de la période de Carnaval car il permettait certaines activités délicates où l’anonymat était essentiel, comme le jeu d’argent, ou pour assurer aux libertins de se livrer à des relations peu licites. On peut imaginer l’aubaine pour l’un des plus célèbres et scandaleux séducteurs, Giacomo Casanova, fréquentant de nombreuses réceptions et bals qui devenaient l’occasion parfaite de conquêtes et autres aventures inavouables !
De nombreux ateliers de création de masques, dont les emblématiques Ca’ Macana et Kartaruga, ont vu le jour au tout début des années 1980, précisément pour accompagner la renaissance du Carnaval de Venise. Leurs artisans perpétuent les techniques traditionnelles de l’époque, combinant cuir, papier mâché, dorures et velours pour donner naissance à des créations à mi-chemin entre l’objet de théâtre et le bijou d’apparat.
Les masques de la Commedia dell’Arte sont ainsi de nouveau produits, mettant en lumière les personnages célèbres du XVIIème (eh oui, ils sont italiens !) : Arlequin, Pantalon, Colombine ou encore Polichinelle.
Deux masques emblématiques du Carnaval de Venise se détachent :
- La Bauta, masque blanc ou noir austère en soie, velours ou papier mâché qui couvre tout le visage et s’accompagne d’une cape en tissu précieux ou dentelle et d’un chapeau noir (tricorne). Sa forme particulière permet non seulement de masquer l’identité, mais aussi de modifier la voix, rendant la reconnaissance encore plus difficile. Il est très pratique et confortable car conçu pour permettre de boire et manger, sans même l’enlever. On comprend pourquoi c’était le masque de prédilection de Giacomo Casanova !
- La mystérieuse Moretta, ou masque « muet », ovale en velours noir, importé de France et particulièrement prisé des dames vénitiennes. Il se tient entre les dents grâce à un bouton intérieur, condamnant celle qui le porte à un silence intrigant, renforçant son aura mystérieuse.
Au-delà de Venise : Viareggio et Acireale, les autres joyaux du Carnaval italien
Si Venise incarne l’élégance et le mystère, Viareggio incarne l’humour et la satire. Ici, point de masques précieux mais :
- Des chars monumentaux en papier mâché
- Des œuvres d’art éphémères
- Une satire mordante qui moque politiques, célébrités et travers de la société
Ce Carnaval populaire, né au XIXème, est un condensé de créativité et d’irrévérence, où l’art et l’artisanat deviennent armes de critique sociale.
Plus au sud, en Sicile, le Carnaval d’Acireale brille par ses chars fleuris. Véritables tableaux végétaux, ils célèbrent :
- La nature renaissante
- Le lien entre l’homme et la terre
- Un artisanat floral unique
Une version plus bucolique tout aussi spectaculaire.
Carnaval, madeleine de mon enfance
Oh, enfant, le Carnaval en Italie, c’était l’excitation pure !
- Discussions interminables sur le choix du costume avec mes amis
- Défilés colorés où chacun rivalisait de créativité
- Confettis qui s’infiltraient partout, jusque dans les chaussures
Je me souviens des processions où l’on croisait Arlequin, Colombine ou Pulcinella, sans réaliser à l’époque que ces personnages avaient traversé les siècles.
Je dois tout de même être honnête avec vous…mon enfance italienne a aussi été marquée par quelques costumes nettement moins nobles et esthétiques :
- Fraises géantes et autres fruits
- Super-héros mal ajustés
- Impressionnante armée de personnages de dessins animés
Oui, Carnaval, c’est aussi ça : la liberté totale de choisir, même si c’est un peu kitsch…
Ce lien entre mon enfance, le Carnaval et l’artisanat italien m’a inspirée l’une de mes collections préférées : notre service en verre soufflé Arlecchino, hommage direct à ce personnage haut en couleur, symbole de la Commedia dell’Arte et de cette joyeuse et splendide folie italienne.
Découvrez nos verres et notre carafe Arlecchino en hommage au Carnaval italien.
Plus qu’une fête, un patrimoine vivant
Le Carnaval italien, c’est une scène ouverte où se joue, année après année, le dialogue entre passé et présent, tradition et invention. Une fête où l’on rit, où l’on danse, où l’on se moque, et où l’on célèbre aussi l’extraordinaire talent des artisans italiens.
Alors, la prochaine fois que vous croiserez un masque vénitien ou un char de Viareggio, vous saurez qu’il y a derrière chaque volute de papier mâché ou chaque broderie dorée, des siècles d’histoire, de satire et de beauté.
Et ça, avouez que c’est tout de même plus « stylé » qu’un costume de licorne acheté en supermarché.
PS : le clown à droite, c'est moi...